« Spiridon superstar » Du théâtre pour rire

Le Matin Dimanche

publié le dimanche 19 janvier 2020


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Les Amis du Boulevard Romand accumulent les succès depuis 10 ans.

Avec la comédienne franco-suisse Virginie Lemoine, la troupe adapte « Spiridon superstar », roman de Philippe Jaenada qui retrace la rénovation des JO par Coubertin, en 1896.

Le visage comique des Jeux olympiques

Hormis une malle en osier, le plateau du Pré-aux-Moines, le grand théâtre de Cossonay, ne laisse pas penser qu’il s’agira d’un boulevard classique. Les portes qui claquent et les amants dans le placard ne semblent pas de mise, alors que la troupe des Amis du Boulevard romand, emmenée par Virginie Lemoine, leur vedette, répète sa prochaine production, « Spiridon superstar ».

« Le public sera surpris, c’est complètement hors normes », confie le comédien français Pierre Aucaigne qui est, avec Vincent Kohler et Antony Mettler, l’un des piliers fondateurs de cette formation ébouriffante.

« Depuis une dizaine d’années, ces comédiens habitués aux classiques du boulevard et aux comédies contemporaines, emportent une vraie adhésion du public, se félicite Sylviane Vassy, administratrice de la troupe. Cette fois, grâce au talent de Virginie Lemoine, nous proposons encore autre chose, c’est vrai. Du vrai théâtre à l’état pur, mais sous une forme complètement dynamitée et nouvelle. Comme un bol d’air ! »
Il faut dire que l’idée est alléchante…

Et que l’actualité sportive qui bat son plein à Lausanne a tout pour faire de cette pièce un rendez-vous immanquable des scènes de la région, pour une tournée qui visitera tous les cantons romands après son coup d’envoi du 24 au 26 janvier à Cossonay.

Car tandis que disciplines et athlètes se mélangent dans la capitale olympique, cette création inattendue s’apprête à rétablir quelques vérités au sujet de l’histoire des Jeux.
« Dès le début de la pièce, c’est un véritable coup de théâtre… Rien ne nous prédestine à embrasser l’histoire antique des Grecs et de leurs premières olympiades, puisque la troupe annonce au public qu’elle est sur le point de lui proposer un spectacle hommage aux chansons cultes des années 70, explique Virginie Lemoine.

Mais, catastrophe ! Les musiciens, les choristes et les décors n’arrivent pas, la faute à un producteur fauché qui jette l’éponge alors que nous avons déjà foulé la scène. Impossible toutefois de faire une croix sur la recette du soir. Aussi, les comédiens présents s’organisent, en totale improvisation, autour de l’idée saugrenue de parcourir l’histoire des Jeux olympiques, en se focalisant sur cette fameuse année 1896… Celle où Pierre de Coubertin, dans un pari tout aussi fou que ce spectacle qui va naître pas à pas, décida de rénover la compétition olympique. »

Premier vainqueur du marathon

Écrite et mise en scène avec Laury André, cette adaptation que propose Virginie Lemoine aux Amis du Boulevard Romand – dont elle connaît presque tous les membres, car en tant que Franco-Suisse, elle séjourne régulièrement par ici – est le résultat d’un coup de cœur littéraire. Celui que la vedette de « Famille d’accueil », la série de France 3 qui aura tenu quatorze ans, a eu pour le roman de Philippe Jaenada, paru en 2016, dont elle a gardé le titre. « J’avais entendu une émission de radio consacrée à ce livre, et je m’y suis précipitée.

Cette histoire d’un athlète grec, ce Spiridon qui gagne la première édition du marathon olympique à Athènes, en 1896, m’a semblé être une porte ouverte à plein d’anecdotes historiques méconnues, malgré la notoriété que les JO ont aujourd’hui, et ce sans qu’on en connaisse véritablement les prémisses… » s’enthousiasme Virginie Lemoine, qui rappelle ainsi que la discipline du marathon n’est pas une invention de la Grèce antique, mais bien de Coubertin, qui l’ajoute aux neuf jours de compétition avec lesquels il relance ce rendez-vous du sport international.

Mais Pierre Aucaigne se veut rassurant : « Ce n’est pas une pièce qui n’intéressera que les sportifs ! La dimension historique et l’évolution constante des disciplines sportives a cela de passionnant que les Jeux olympiques ont toujours suscité l’engouement bien qu’ils aient connu tant d’époques et de révolutions sociales. » Ce qui permet à la pièce de rétablir quelques approximations qui ont un peu pollué l’imaginaire collectif, comme l’esquisse Laury André : « Il faut absolument venir voir la pièce afin d’apprendre, enfin, qui a déclaré que l’important est moins de gagner que de production, ainsi qu’avec celles que les Amis du Boulevard Romand ont montées jusqu’à présent, que la comédie peut aussi être l’apanage de troupes romandes, explique Pierre Aucaigne. Beaucoup de théâtres alentour se contentent d’accueillir des pièces parisiennes, car on a encore bien trop souvent en tête que Paris serait le déclencheur culturel mondial.

C’est une erreur. Le théâtre parisien ne garantit pas forcément la qualité, et nous sommes reconnaissants, malgré cette idée paresseuse, que des programmateurs nous fassent confiance. »

« La comédie est peu souvent subventionnée, alors que c’est une discipline d’une rigueur infinie, complète Antony Mettler. Elle demande une rectitude et une aisance de jeu dont bien des comédiens ne sont pas capables. Il faudrait donc moins la mépriser. »

Et sur le talent des comiques, Virginie Lemoine a elle aussi beaucoup à dire, elle qui a mis en scène, il y a deux ans, la désopilante Sophie Forte dans « Chagrin pour soi », un texte d’Irène Némirovsky. « Quand je choisis un texte ou que j’en écris un, je ne me pose jamais la question du genre, et de la vision bonne ou mauvaise que la critique ou l’intelligentsia peut en avoir. Le snobisme que manifeste un certain public à l’encontre de la comédie me hérisse le poil, à vrai dire. Je déteste la classification, et je crois plutôt qu’il faut s’employer, sans cesse, à créer des passerelles. »

Au sujet de son collègue Pierre Aucaigne, qui s’est illustré dans de nombreux seuls-en-scène, Virginie Lemoine remarque encore le lien ténu entre les genres : « On peut souvent faire rire avec la tragédie. En l’outrant, ou en la prenant sous un angle différent… Regardez Coluche. C’est un personnage tragique qu’il interprétait sur scène. Le personnage de Pierre, que je connais bien, a lui aussi quelque chose de profondément tragique, fait de solitude, d’incompréhension du monde. C’est là aussi qu’il faut aller chercher le rire. De la même façon que « Spiridon superstar » embrasse le monde du sport, a priori sérieux, pour aller en chercher quelques éclats et écueils qui pourront prêter à rire. »


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A NOTER

Récit de LUCAS VUILLEUMIER - Le Matin Dimanche / Lausanne